lundi 18 février 2008

Trouvé éperdu


Une grande cité, une mégapole, sais-tu à quoi cela peut bien servir cher camarade et ami (depuis le temps qu'on communique on peut au moins utiliser d'autres mots que ceux conseillés par le Parti ) ?
Je vais t'offrir une réponse issue de mes cogitations et aventures slaves, c'est à dire nimbées d'un certain irrationnel.
Un gars du passé, un italien sympa nommé Alighieri- Dante pour les intimes - fit un voyage ( avec un ami nommé Virgile ) en Enfer. La description poétique dudit Enfer ne manque pas de sel ni de poivre. Neuf cercles concentriques à parcourir en s'enfonçant parmi les douleurs qu'exhalent les damnés, classés selon leurs vices. Faut-il y voir la moindre note d'humour ? Quelque part il me semble que oui, de façon totalement cachée ou par référence à certains de ses contemporains...
D'autre part comment ne pas penser à ces mégapoles du vingt et unième siècle où l'on côtoie facilement l'horreur par cercles concentriques jusqu'au bout d'un caniveau ? Bien sûr les trottoirs sont propres puisque les techniciens de surface ne manquent pas, il y a donc une autre route à emprunter pour se rendre dans les couloirs forés par Lucifer.
Je te propose donc les couloirs de conscience entrouverts dans le regard des citadins lorsqu'ils déambulent sur le bitume. Il y a souvent de quoi s'émouvoir, lorque tu es bien luné cela va sans dire, en ressentant du fond de ton coeur un courant chaud qui veut donner la vie et le bonheur en transformant ce magma en lac de montagne aux eaux pures.
Mais toi-même, bien souvent, tu n'es guidé que par un désir, une peur ou un stress ou encore par le mélange des trois, par un néant à combler. Rarement tu marches en regardant la lumière émanant du soufre, du froid morbide, de l'agitation et des tripes fumées. C'est pourtant un tel jour que j'ai rencontré l'artiste.
Oeil brillant, sourire affleurant, invisible et totalement présent. Ce jour-là, camarade et ami, j'ai eu de la chance. Mon foie était tranquille, tout fonctionnait normalement. Il était assis à la terrasse d'un café pittoresque comme tu en rencontre souvent dans les rues de Bruxelles. Il dégustait un ballon de vin rouge sa guitare posée à côté de lui, sur un siège vacant.
J'étais assis pas trop près, pas trop loin, dans l' état d'esprit de celui qui savoure une bonne détente après une semaine chargée. Du coin de l'oeil j'observais l'artiste. Il portait un feutre noir. Puis d'un seul coup son regard m'aspira. On aurait dit que sa conscience balayait tout sur trois cent soixante degrés. Imagine ma surprise lorsqu'il tira son instrument de sa boîte, moi collé à son image, davantage même : collé à son esprit ! ....
Les notes s'envolèrent avec ma dernière once de lucidité.
Lorsque je revins, j'étais toujours assis et l'artiste était parti. Comment décrire les quelques siècles de voyage que je venais de parcourir ?....Seule la poésie pourrait en donner une idée. Je n'étais plus moi, pas plus d'ailleurs qu'un autre. J'étais seulement là, avec une infinité de souvenirs et ce sentiment étrange que mon monde se mouvait en cercles, qu'il était vaste, clair et tout ici. Comme l'aurait exprimé le vieux Chief Dan George sous son teepee, mon coeur volait tel un faucon.
Ha ha ! J'étais amoureux, mon vieux. Amoureux sans personne sur qui foncer tel le faucon sur sa proie! Ha ha ha ! Tout ça sans alcool !
J'ai de nouveau évoqué l'ami Dante qui se dissipa aussitôt. Puis je compris que ces enfers pouvaient aussi bien en faire autant mais je n'étais même plus sûr de leur existence.
Et voilà. Les grandes cités, les mégapoles ou la vie tribale dans les plaines, peu importe camarade, on s'adapte...

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