mardi 4 mai 2010

Le gadjo face à l'homme libre

La vie est faite de rencontres et d'expériences, ce dont je me suis aperçu très jeune mais sans en prendre pleinement conscience. Il fallut le contact au feu, la peur, une certaine folie dans mes actes ainsi que les douleurs infernales de l'amour pour qu'enfin j'ouvre les yeux. Mais surtout il fallut une rencontre. C'est ce qui se vérifiait aujourd'hui dans ce troquet de la rue de Seine. Une deuxième rencontre dans ce cas précis bien que ce fut de la même personne. Le choc initial m'avait travaillé en profondeur depuis quelques années. Aujourd'hui, le temps était tout simplement aboli et je retrouvai le "kirvo" comme si je l'avais quitté seulement la veille. Ce même charisme hautement magique qui m'avait attiré dès le premier regard.
Il n'avait pas vieilli d'une ride et sa jeune soixantaine semblait plus fraîche que jamais. Cinq années avaient filé depuis avec leur farandole d'évènements, des plus doux aux plus brutaux.
Je m'assis donc à ses côtés et but comme le dernier des assoiffés le verre de rouge qu'il m'avait présenté. Je sortais d'un long périple dans le désert et il me fallait boire à la source pure qui allait me rendre à la vie. Kirvo - ainsi l'appelait-on chez les quelques rares et vieux tsiganes auxquels il se montrait - gardait son œil au reflet bienveillant fixé sur le mur du fond, attendant que ma soif fut étanchée et mes émotions calmées...

( à suivre )

dimanche 21 février 2010

Le gadjo et ses absurdités ( suite...a sort of )

Toujours à raser le bitume des trottoirs de Paname, ma blessure au ventre ravivait assez régulièrement de vieilles angoisses par une douleur cognante.
J'avais eu du pot de jour-là , Sainte Sara la noire me protégeait, c'est clair, quand cette embuscade vicieuse à souhait nous avait surpris avec un premier tir de roquette qui, après avoir bousillé le véhicule de tête et deux copains de la section, fut suivi de rafales d'armes automatiques. Réaction immédiate de notre part, mille fois répétée à l'entraînement, mise à couvert derrière les rochers, repérage des angles de tir et riposte immédiate. Il ne faut jamais mésestimer une section de légion super entraînée. Encore moins une compagnie.
Les renforts étaient arrivés assez vite par hélico, les tireurs repérés et neutralisés, du moins ce qu'il en restait : on était monté à l'assaut de la crête sur ordre du capitaine, lui-même en tête, en vomissant un déluge de feu. De vrais fous.
J'avais encaissé une balle dans le ventre ( gilet pare-balles trop remonté je ne sais plus ) qui était ressortie par le flanc gauche. Le toubib n'en revenait pas de me voir encore vivant trois jours après, presque remis. Comme si de rien n'était. Mais je mentirais en disant que j'avais eu plus de peur que de mal. J'avais eu les deux, la trouille à se pisser dessus et une douleur d'enfer.
Voilà ce qui revenait à ma douloureuse mémoire aujourd'hui rue de Seine, en plein Paris, alors que l'envie d'une bière commençait à émerger avec insistance.
Je rentrai dans le premier bistrot à ma droite, un genre bar à vin, et commandai tout de même un demi pression que je dégustai au bar, par toutes petites gorgées.
La solitude du gitan est toujours une bonne occasion pour échafauder des plans ou tout simplement regarder la vie se déployer. Un repos réparateur pendant quelques instants de grâce pour apprécier l'existence en connaisseur....
...Un instant comme un éclair et je le reconnus, immobile mais d'une présence que je ressentais jusqu'au fond de mes tripes. Il tourna la tête et m'aperçut. Coup au cœur. Il sourit légèrement et hocha la tête en désignant du coin de l'œil la chaise à côté de lui...( à suivre...)