vendredi 11 septembre 2009

Tristesse du rurikide


Il y eut l'espace et après lui les steppes.
Elles furent intelligentes comme seule peut l'être la terre vivante qui nous porte, se faisant alors immense pour laisser s'épanouir les cieux, les vents et les orages. Pour que la pluie soit violente, pour que le cheval galope avec ses yeux fous, l'écume moussant à la commissure des lèvres, coulant sur le menton jusqu'à la barbe. Il y avait des hommes petits aux yeux finement fendus, au regard d'acier. Leur âme, leur coeur et la steppe se confondaient dans leurs rares appels silencieux ou dans leurs cris lorsqu'ils chargeaient, sabre au vent, l'immensité vide à la beauté éblouissante.
En ces temps on savait la valeur d'un mot et l'oreille connaissait les sons. Les sons porteurs de sens.
Aujourd'hui, petit parigot assis au comptoir du café du commerce déchiffrant "Le Parisien" ou jouant sur les touches de mon clavier au bureau, je suis largué dans un immense dépotoir qu'on a bien pris soin de décorer de mille et une façons. En dur, même pas en carton-pâte.
Ce qu'ils ne savent pas, ces mammifères sans force, c'est que la mémoire m'est restée, intacte, totale même si je joue le jeu de leur maladie.
Pauvres hères, il ne font guère illusion.
Dans leur berline de luxe ou à traîner leurs oripeaux sur les trottoirs.
Les saintes familles aussi avec leurs gosses mignons et sages - pas toujours, il y a de plus en plus de petits cons parce qu' il n'y a plus d'âge non plus, ni d'éducation d'ailleurs - les intellos, les étudiants, les ménagères, les jolies qui remuent leur fion avec finesse mais sans scrupule ha ha ha. Les puissants du jour qui existent et parlent, parlent, parlent à n'en plus finir pour négocier ce rêve dont plus personne ne sait que c'est un cauchemar fatidique. Tous courent parce qu'il faut bien faire quelque chose ne serait-ce que pour payer des impôts et quelques plaisirs arrachés par ci par là, en d'infernales vacances.
C'est comme ça camarade, cher ami invisible au-delà des temps, cher ami choisi pour ta bienveillante écoute.
Il ne me reste plus qu'à m'asseoir.

2 commentaires:

le cinglé a dit…

Mut et seulement ça, oui ça manque dans ce qui ne s'appelle plus des carnets, mais reste debout, s'il te plaît.

Le cinglé a dit…

La tristesse peut être une arme, et là il faut être très fort, homme des hauts plateaux, homme du métal, homme d'échine, de cristal. Cependant le "hasard" existe, comme une fois pour moi au restaurant de la gare de Lyon, Le Train bleu, où j'ai cru voir passer une antilope entre les tables, tandis qu'à la table voisine un jeune garçon de la bourgeoisie me regardait avec les yeux d'un tueur et cherchait en moi une complicité, pour ne pas dire connivence.